Une histoire des Roms en Europe du XVème au XIXème siècle…
Qui n’est malheureusement pas une épopée légendaire !
« Sas-pe-ke-kaj-nas-pe« , (il y avait ou il n’y avait pas), c’est par cette formule rituelle que commençaient les contes et les histoires légendaires des Tsiganes il y a de nombreux siècles.
Les Tsiganes, dont l’origine indienne, est aujourd’hui largement consentie, « ont le sens de l’épopée, le goût de la fable et de la ballade », comme l’affirme dans son ouvrage, les Tsiganes dans l’ancienne France en 1961, le premier historien des populations tsiganes, François de Vaux de Foletier. Au début du XIXème siècle l’écrivain romantique Georges Sand affirmait déjà à propos de leurs origines, ce sont « des Indiens purs sang qu’on a baptisés de tous les noms des pays traversés par eux dans leur longue et obscure migration à travers le monde ».
L’arrivée des Roms en Europe remonte au XVème siècle. Les premières sources mentionnent l’installation de tribus dans l’est de la France lors de l’été 1419 à Châtillon-sur-Chalaronne, Mâcon (Duché de Bourgogne) et Sisteron (Royaume de Bourgogne). Ils viennent alors de l’Empire byzantin voisin, où ils sont connus sous le nom d’Atsinganos qui a donné tzigane ou encore de Gyphtos qui signifie chaudronnier, ferronnier ou ferrailleur, en lien avec les métiers qu’ils exercent. Les pèlerins qui traversent l’Empire pour se rendre en Terre Sainte, rencontrent alors sur leur chemin ceux qui se font aussi appelés les Egyptiens (Gypsies, gitans, Egitanos).
Quelques années plus tard, en août 1427, ils sont signalés dans le Journal d’un bourgeois de Paris. Ce dernier mentionne l’arrivée de 100 à 120 hommes, femmes et enfants qui se présentent à l’évêque de Paris comme chrétiens, pèlerins et pénitents recommandés par le Pape et originaire d’Egypte. Ils sont accueillis à la chapelle de Saint-Denis. Leurs tenues vestimentaires et leurs anneaux aux oreilles attirent les curieux qui se laissent aller aux tours de magie et de chiromancie, mais les bourses des passants se vident et ils sont alors excommuniés et doivent très vite partir poursuivre leur route.
Ils gagnent ainsi la confiance de certains seigneurs intéressés par leur connaissance du travail des métaux, des chevaux ou encore des arts de la danse à la guerre. Se faisant eux-mêmes appelés ducs ou comtes de la petite Egypte (Grèce actuelle), ils fascinent autant qu’ils suscitent le rejet. Ils obtiennent la protection du Pape ou du roi de Bohème et survivent alors grâce à des aumônes publiques, privées ou des soldes et rapines allant de ville en ville, s’installant plus ou moins longuement selon l’accueil. Ils prennent des noms français mais demeurent étrangers et fidèles à leurs coutumes. Très vite, la mauvaise réputation les accable, traités entre autres de « voleurs de poules », ils font l’objet d’expulsion ou de sédentarisation forcée. Le XVIème siècle est toutefois favorable aux Tsiganes grâce à l’ouverture sur le monde et la découverte de l’Autre (Indes orientales et occidentales).
Au siècle des Lumières, les philosophes ne les épargnent guère à l’exception de Rousseau. Dans l’Encyclopédie c’est ainsi que Voltaire définit les Egyptiens, « Espèce de vagabonds déguisés, qui, quoiqu’ils portent ce nom, ne viennent cependant ni d’Égypte ni de Bohème, qui se déguisent sous des habits grossiers, barbouillent leur visage et leur corps, et se font un certain jargon, qui rôdent çà et là, et abusent le peuple sous prétexte de dire la bonne aventure et de guérir les maladies, font des dupes, volent et pillent dans les campagnes».
Au XIXème siècle, les transformations économiques et sociales bouleversent la société européenne qui s’individualise, les Tsiganes sont alors marginalisés et leurs activités traditionnelles effacées. De nombreux bohémiens arrivent d’Europe de l’Est en lien avec la fin du servage. Parmi les artistes, les Romantiques s’inspirent de la liberté apportée par le mode de vie des bohémiens. Ainsi George Sand dans la Dernière Aldini en 1838 fait dire à son héros Lélio « Narguons l’orgueil des grands, rions de leurs sottises, dépensons gaiement la richesse quand nous l’avons, recevons sans souci la pauvreté si elle vient ; sauvons avant tout notre liberté, jouissons de la vie quand même, vive la Bohème ! ».
La notion de Bohème va alors être associée au mode de vie choisi par les artistes à partir de la fin du XIXème siècle qui favorise avant tout la liberté dans la création artistique.