Pierre SOULAGES, une œuvre contemporaine inspirée par le passé…

Une inspiration locale qui remonte à l’enfance…

Malgré son grand âge et la fatigue liée à une toute récente opération des yeux, Pierre Soulages s’illumine lorsqu’il parle de création et de ce qu’il appelle « ses racines artistiques ».

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Pierre Soulages, 10 janvier 2014, photo Rémy Gabalda pour ArtGallery.

 

Artiste contemporain majeur, rattaché à « l’École de Paris » de l’après guerre, il trouve son inspiration dans des œuvres souvent oubliées ou dénigrées par le passé. Originaire de l’Aveyron, région rurale du Sud-ouest de la France, où il a grandi et s’est nourri enfant, de ce que les ancêtres de cette riche contrée ont pu laisser en héritage. Des temps les plus anciens, « 180 siècles » aime-t-il répéter, comme pour se convaincre que cette distance temporelle, qui l’avait surpris quand il était jeune, est bien réelle, il a puisé le goût du noir, couleur qui est l’essence même de sa production. Il est alors entre étonnement et fascination quand il rappelle que les premiers artistes de l’humanité ont peint en noir dans l’obscurité des grottes. « L’outil n’est pas le noir, c’est la lumière. Le noir, c’est une couleur violente, elle s’est imposée, elle a dominée, c’est la couleur d’origine ».

 

« C’est elle qui m’a donné un choc décisif ».

Puis il poursuit en précisant que longtemps les sociétés européennes ont oublié l’art roman, cet art médiéval caractéristique des XIème et XIIème siècles, qui ne pouvait « être considéré » tant que la référence se cantonnait inlassablement à l’Antiquité, la Renaissance ou la période classique. C’est alors que jeune lycéen, il découvre lors d’une sortie avec sa classe en 1931 ou 1932, l’abbatiale de Conques non loin de Rodez. Il est fasciné par la sobriété de ses formes « arrondies et pures » et la beauté de la sculpture de son tympan qui vont marquer à jamais son travail. « J’étais dans un tel état d’exaltation, je me suis dit qu’il n’y a qu’une chose importante dans la vie, c’est l’art. J’aime la peinture, je serai peintre. Je me suis dit cela fermement. »

C’est à partir de ce jour qu’il commence à peindre quotidiennement.

 

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Détail d’un vitrail de Pierre Soulages, Abbatiale de Conques, (1987-1994), photo Rémy Gabalda pour ArtGallery.

 

On lui offre des peintures de couleurs, mais il n’y a que le noir de l’encrier qui l’intéresse et qu’il reporte sur des feuilles blanches, « qui ne sont pas blanches mais grises » explique-t-il. Il fait dès sa jeunesse, l’expérience du noir qui va le fasciner et le guider tout au long de ces années. Il raconte qu’enfant il n’a jamais été vraiment attiré par l’image en peinture. Bien au contraire son regard était attiré par une tâche de goudron, sorte d’éclaboussure noire à la fois lisse et marquée par les irrégularités de la matière, qu’il pouvait observer sur le mur en face de chez lui et qu’il aimait regarder pendant qu’il faisait ses devoirs.

Mais c’est également dans les statues-menhirs du Musée Fenaille, situé dans le centre de sa ville natale, que Soulages a puisé son inspiration dans sa jeunesse. Ces bas-reliefs monolithes retrouvés dans la région le fascinent. On retrouve dans ses œuvres peintes une forte charge émotionnelle qui se dégage de la pureté des lignes horizontales ou verticales et qui rappellent les drapés et les « formes simplifiées » de ces déesses préhistoriques comme la Dame de Saint-Sernin.

 

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La Dame de Saint-Sernin,grès, Chalcholithique, photo Musée Fenaille, Rodez.

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                        Pierre Soulages, « Peinture 263 x 181 cm, 2 juillet 2012,

                                            Dominique Lévy Gallery, New-York. 

           

C’est ainsi que Soulages a trouvé son inspiration dans des œuvres primitives dominées par le noir et par des formes pures et lumineuses. Il s’inscrit, entre autres, dans la lignée de Picasso qui, quelques décennies auparavant, s’est inspiré de l’art africain dit « primitif » et de l’art roman pour peindre en 1907, les Demoiselles d’Avignon, œuvre majeure de l’avant-garde du début du XXème siècle, et qui est considérée comme l’essence même de l’art contemporain

    MelGab, FaceB, 11 janvier 2014.

Le Musée Soulages de Rodez, prochainement inauguré au printemps 2014.


        « C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ».

     Pierre Soulages

 

Le Musée Soulages, un des plus important centre d’art contemporain de la décennie, sera inauguré à Rodez au mois de mai prochain. La première pierre a été posée en octobre 2010, en plein centre ville, dans le jardin du Foirail, à deux pas de la maison natale de l’artiste (rue Combarel).

L’origine de ce projet remonte à 2005, lorsque Pierre et Colette Soulages font don de près de 500 pièces à la Communauté d’agglomération du Grand Rodez, ville où l’artiste est né en 1919. Il y a vécu une partie de sa jeunesse, jusqu’en 1938 où il s’installe dans la capitale. Cette donation a été classée « Musée de France ».

 

ImagePierre et Colette Soulages, dans un salon de l’Hôtel Mercure Rodez, lors d’une exceptionnelle rencontre avec des journalistes, le 10 janvier 2014. Photo Rémy Gabalda pour ArtGallery.

Parmi ces pièces, on compte 250 œuvres, des peintures sur toile, « mono-pigmentaires à variantes chromatiques » comme le précise l’artiste, et peintures sur papier dont les Brous de noix, caractéristiques des années de jeunesse vers 1947-48. Mais il s’agit aussi de l’œuvre imprimée constituée d’eaux-fortes, de lithographies et de sérigraphies ainsi que de sculptures, photographies et documents. Enfin, font partie de ce don, les travaux préparatoires des vitraux de l’abbatiale de Ste Foy de Conques, réalisés entre 1987 et 1994, dans ce haut-lieu de l’art roman. Pierre Soulages a d’ailleurs découvert ce site lors d’une sortie de classe en 1931 ou 1932, moment où il a commencé à peindre quotidiennement, « c’est elle qui m’a donné le choc décisif », raconte l’artiste. Ce don a été complété en décembre 2012 par 14 toiles issues des années 1946-1948 peintures ainsi que d’un outrenoir de 1986, jouant sur la réflexion de la lumière sur différentes surfaces noires.

C’est d’ailleurs cette longue et belle aventure des vitraux de Conques qui l’a encouragé à l’idée d’un musée monographique à Rodez, parmi toutes les autres propositions dont celle de la ville de Montpellier, où il a étudié aux Beaux-Arts dans les années 1940. Il ne lui est pas uniquement destiné puisqu’une salle d’exposition temporaire de 500 m2 a également été prévue.


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Photo Musée Soulages

Le Musée Soulages, un écrin contemporain planté dans le décor de la cité médiévale.

Un concours international a alors été lancé, et le projet a été confié à l’équipe d’architectes barcelonais RCR, parmi 98 candidats. Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta ont créé un édifice de 6000 m2 parfaitement intégré dans le paysage urbain et dans le jardin du Foirail entièrement réaménagé pour l’occasion. C’est ainsi que « le musée naît du parc, qu’il participe à restructurer, à ordonner, à révéler et à clarifier ». Le bâtiment, dont Soulages reconnaît qu’il est encore plus beau que ce qu’il avait imaginé, forme un socle horizontal d’où émergent de puissants volumes monolithiques qui canalisent le regard. Ils sont bardés de plaques d’acier Corten rouge profond, qui font penser aux œuvres monumentales du sculpteur américain Richard Serra et dont l’austérité permettra, selon Pierre Soulages « de ne pas détruire le rapport au paysage ».

L’architecture a été pensée afin de respecter la fragilité des collections et les volumes ordonnés autour d’une lumière contrôlée entre plages obscures pour les papiers (brous de noix et gravures) et des boîtes élevées où la lumière zénithale illuminera les peintures et les cartons des vitraux de Conques. De même l’intimité sera privilégiée et le calme permettra la contemplation des œuvres. La scénographie alternera statisme et mouvement, entre les vitrines pour les œuvres sur papier et la modularité pour la nécessaire rotation des œuvres. Des explications et des mises en valeur par le jeu de films, de photographies, de livres et d’outils interactifs faciliteront la compréhension des œuvres de l’artiste.

Le site sera aussi doté d’une bibliothèque, d’un service éducatif, d’un atelier et d’un auditorium ainsi que d’un restaurant, à la gastronomie simple et accessible, proposée par les chefs aveyronnais Sébastien et Michel Bras.

Bien au-delà des espoirs de l’artiste, le Musée devra permettre au grand public de découvrir ses œuvres, exposées dans cet écrin contemporain, loin des enjeux financiers du marché de l’art et de ses tendances spéculatives.

MelGab, FaceB, janvier 2014.