Joan JORDA, exposition les Ménines, Musée Goya de Castres, mars-juin 2013.

Grande Menine 1983

Joan JORDA, Exposition les Ménines,

Musée GOYA de Castres, du 15 mars au 09 juin 2013.

         L’exposition présente un ensemble de toiles du peintre Joan JORDA sur le thème des Ménines. A partir des années 1983, l’artiste commence une série de toiles, de lithographies et de sculptures dont une soixantaine est exposée dans les trois salles du Musée hispanique. Le tableau original intitulé les Ménines a été peint par Diego VELAZQUEZ en 1656 et est considéré comme un des grands chefs d’œuvre de l’art espagnol tant il est audacieux par le choix de sa composition.  Il a également inspiré de nombreux artistes modernes tels que PICASSO et BACON.

         On y retrouve les demoiselles de compagnie de la petite princesse, les Ménines qui ont donné leur nom à l’œuvre, et l’Infante Marguerite. Les formes et les couleurs éclatent sous le pinceau de l’artiste et la palette très colorée, varie entre rouge, orangé, jaune, noir, bleu ou vert. Ces personnages sont placés face au spectateur, le regardent comme pour dialoguer avec lui et enrichir la réflexion. Joan JORDA précise « ce n’est pas le spectateur qui regarde mes œuvres, ce sont mes œuvres qui regardent le spectateur ».

         Dans la deuxième salle, se trouve l’immense toile que Joan JORDA a réalisée aux mêmes dimensions que le tableau original conservé au Prado de Madrid. Il a fait don de « ses Ménines »,  datées de 2012, au Musée Goya de Castres. On y retrouve le chien, l’Infante Marguerite, l’intendant du palais à la porte du fond, et les demoiselles de compagnie. Tous se mêlent à l’univers de Joan JORDA, avec ses chimères qui se bousculent dans le registre supérieur de la composition. Elles sont enfermées dans des espaces clos comme pour dénoncer l’autoritarisme et les massacres dont l’artiste regrette que « l’on ne trouve pas de solution philosophique et idéologique pour les arrêter ». Le chevalier et le crâne, en haut à droite, sont aussi une manière de dénoncer la Conquista que Joan JORDA considère comme « la honte de l’Espagne ».

         Le peintre utilise essentiellement de l’acrylique et avoue qu’il aime « faire avec peu » et, comme les anciens maîtres avant lui, il peint avec des « matériaux peu sophistiqués ». PICASSO l’a beaucoup inspiré, en témoignent ces portraits de profil datés de 1987, sur fond bleu ou vert, où l’on reconnaît l’influence de l’autre grand peintre espagnol. Il utilise aussi des collages de papiers journaux et du carton ondulé, comme dans la Grande Ménine de 1983. Il parle du « traumatisme » causé dans sa jeunesse par la découverte de « Guernica » ou encore des émotions et des interrogations devant les toiles de GOYA et de VELAZQUEZ.

         JORDA n’a jamais visité les musées madrilènes où sont exposés ces chefs d’œuvre car, « sédentaire » et « ayant toujours dû travailler, il n’a jamais ressenti comme une « nécessité le fait d’aller voir un tableau» comme pourrait le faire un amateur, car dit-il « je suis toujours dans la peinture et je ne peux pas avoir la même émotion que celui qui ne peint pas ». D’ailleurs, selon lui, les nombreuses reproductions de qualité diffusées aujourd’hui suffisent à découvrir ces œuvres.

         Malgré sa voix fragile et son allure fatiguée, Joan JORDA parle avec conviction de son travail  dont il dit qu’il cherche à faire « une peinture tragique mais qui ne soit pas triste ». « Prendre conscience « que todo es nada » sans pour cela en faire une arme de destruction, une force du mal, un laisser aller. Au contraire, considérer cette chose qui n’est rien et qui est tout – la vie – avec une curiosité et un respect inépuisable».  Elle l’habite au point qu’il « porte la peinture comme une place ouverte depuis si longtemps qu’il n’est plus possible d’en guérir…Rien n’apaise cette insidieuse obsession» selon lui.

Exposées régulièrement depuis 1976, ses toiles « désespérées » sont incontestablement celles de l’un des grands peintres de notre temps.

 ARTGALLERY FACE B, 17 mars 2013.